TRÉSOR DES SCIENCES OCCULTES
INTRODUCTION (4/5)
Ô mon père, répondis-je, rien n'est plus conforme à mes désirs : que peut-on préférer à la sagesse et à la vertu ? Il suffit, dit le vieillard ; avant que de vous développer entièrement la doctrine qui doit vous
initier aux mystères les plus profonds et les plus sacrés, il faut que vous sachiez que les
éléments sont habités par des créatures très parfaites. Cet espace immense qui est entre la terre et les cieux, a des habitants bien plus nobles que les
oiseaux et les moucherons ; ces mers si vastes ont bien d'autres hôtes que les
dauphins et les baleines ; il en est de même de la profondeur de la terre qui contient autre chose que l'
eau et les minéraux ; et l'élément du
feu, plus noble que les trois autres, n'a pas été fait pour demeurer inutile et vide. L'
air est plein d'une innombrable
multitude de peuples de figure humaine, un peu fiers en apparence, mais dociles en effet : grands amateurs des sciences, subtils, officieux pour les sages, et
ennemis des sots et des
ignorants : ce sont les
sylphes. Les mers et les
fleuves sont habités par les
Ondins ; la terre est remplie presque jusqu'au centre, de
Gnômes, gardiens des trésors et des pierreries ; ceuxci sont ingénieux, amis de l'homme et faciles à commander ; ils fournissent aux
enfants des sages
tout l'argent qui leur est nécessaire, et ne demandent pour prix de leurs services que l'amitié de ceux qu'ils servent.
Quant aux
Salamandres, habitants
incombustibles de la région du
feu, ils servent aux philosophes ; mais ils ne recherchent pas avec empressement leur compagnie.
Je pourrais encore vous parler des génies familiers.
Socrate eut le sien ainsi que Pythagore et quelques autres sages. J'en ai un aussi, il est près de moi lorsque je puis avoir besoin de lui : vous le verrez. Cela vous paraîtra sans doute extraordinaire, mais lors même que vos yeux ne vous convaincraient pas de la vérité, vous pourriez y croire, si vous avez quelque confiance dans
Socrate, Platon, Pythagore,
Zoroastre, Celse, Psellus, Procle, Porphyre,
Jamblique, Ptoteit, Trismégiste, et d'autres sages dont les lumières doivent
ajouter à celles que nous donne la raison naturelle.
Il me reste encore à vous parler des talismans, de ces anneaux magiques qui vous donnent le pouvoir de commander à tous les
éléments, d'éviter tous les dangers, toutes les embûches de vos
ennemis en assurant les succès de vos entreprises et l'accomplissement de tous vos vux ; il se leva, ouvrit un coffre qui se trouvait au pied du
lit de repos, il en tira une cassette de
bois de cèdre recouverte de plaque d'or, enrichies de
diamants d'un éclat et d'un pur extraordnaires ; la serrure était également d'or ainsi que la
clé, sur laquelle il y avait des caractères hiérogliphiques gravés avec un art admirable. Il ouvrit cette cassette et je vis une grande quantité de talismans et d'anneaux enrichis de pierres précieuses de toutes
couleurs et sur lesquels étaient gravés des caractères magiques et cabalistiques : il était impossible de les regarder sans en être ébloui. Vous les voyez, mon fils, ils ont chacun leurs vertus, leurs propriétés, mais pour en faire usage il faut les connaître, ainsi que la langue des sages pour prononcer les mots mystérieux qui sont gravés dessus. Je vous les apprendrai avant de travailler avec vous au grand uvre avec les
esprits et les
animaux qui sont soumis à mes lois et qui m'obéissent aveuglément.
Vous verrez lorsque vous serez
initié à tous ces mystères, de combien d'erreurs se sont rendus coupables la plupart de ceux qui prétendent s'être asservi la nature : ils aimaient la vérité, et crurent la découvrir par la voie de notions abstraites, et s'égarèrent sur la foi d'une raison dont ils ne connaissaient pas les bornes.
Le vulgaire ne voit autour du globe qu'il habite, qu'une voûte étincelante de lumière pendant le
jour, semée d'étoiles pendant la nuit ; ce sont là les bornes de son univers. Celui de quelques philosophes en a plus, et s'est accru presque de nos
jours au
point d'effrayer notre imagination. Delà, quelle prodigieuse carrière
s'est tout-à-coup offerte à l'
esprit humain ! employez l'éternité même pour la parcourir ; prenez les ailes de l'aurore, volez à la planète de
Saturne dans les cieux qui s'étendent au-dessus de cette planète, vous trouverez sans cesse de nouvelles
sphères, de nouveaux globes, des mondes s'accumulant les uns sur les autres ; vous trouverez l'
infini dans la matière, dans l'espace, dans le mouvement, dans le nombre des nuances et des astres qui les embellissent ; et comme notre
âme s'étend avec
nos idées et s'assimile en quelque façon aux objets dont elle se
pénètre, combien un homme doit-il s'énorgueillir d'avoir
percé ces profondeurs inconcevables ; j'y suis parvenu, grâce à la sagesse, et vous y parviendrez aussi. Il se leva et prenant plusieurs manuscrits qui étaient sur la table : ces livres précieux, mon cher fils, vous feront connaître des choses inconnues au reste des humains, et qui vous paraîtront n'avoir jamais existé; ces livres ont échappé à l'
incendie de la bibliothèque des Ptolomée
(1), ils en ont éprouvé quelques atteintes comme vous le voyez ; en effet, plusieurs pages avaient été noircies par le
feu. Eh bien c'est aux connaissances que j'ai puisées dans ces ouvrages que je dois le pouvoir de commander à tous les êtres qui habitent les régions aériennes et terrestres, connues et inconnues des hommes.
Ô mon fils ! prosternez-vous devant la divinité ; déplorez en sa présence les égarements de l'
esprit humain, et promettez-lui d'être aussi vertueux qu'il est possible à l'homme de l'être. Gardez-vous d'étudier la morale dans des écrits ignorés de la multitude, dans des systèmes produits par la
chaleur de l'imagination, par l'inquiétude de l'
esprit, on par le désir de la célébrité qui tourmentaient leurs auteurs, mais cherchez-la dans leur conduite ; dans ces ouvrages où, n'ayant d'autre intérêt que celui de la vérité, et d'autre but que l'utilité publique, ils rendent aux murs et à la vertu l'
hommage qu'elles ont obtenu dans tous les temps et chez tous les peuples.
J'écoutais ce bon vieillard avec une admiration mêlée de respect, il avait cessé de parler et je croyais l'entendre encore : une douce majesté régnait dans tous ses traits, et la persuasion
semblait couler de ses lèvres, comme un ruisseau limpide s'échappe d'un côteau, pour fertiliser les prairies ; il s'aperçut de mon admiration qui tenait de l'extase ; mon cher fils, me dit-il, je vous pardonne votre étonnement,
vous avez jusquà ce moment vécu dans la société des hommes corrompus, qui auront appris à douter de tout, à oublier la respect que l'on doit à celui qui a tout tiré du néant. La sagesse était pour eux un mot vide de sens ; mais lorque vous la connaîtrez, qu'elle sera devenue pour vous une vertu pratique, vous ne la regarderez plus que comme une chose toute simple et aussi naturelle que l'
air que vous respirez et qui est si nécessaire à votre existence. Vos blessures se cicatrisent, demain je commencerai votre éducation de sagesse et je vous donnerai la première leçon. Je vais maintenant à ma volière, donner à manger à mes prisonniers : comment, lui dis-je, à vos prisonniers ? avec votre philosophie et cet
amour de l'humanité qui vous caractérise vous privez de la
liberté des êtres vivants. Il sourit à mon observation. Mon cher fils, ce que je fais est nécessaire pour faciliter mes opérations mystérieuses ; mais le sort de ceux qui sont soumis à mes lois, est peut-être plus doux que s'ils jouissaient de leur entière
liberté : d'ailleurs, ils n'en ont jamais connu le prix et ils ne peuvent la désirer. Demain vous aurez le mot de toutes ces
énigmes, et il me quitta pour entrer dans le souterrain où il m'avait conduit lorsqu'il m'avait fait voir les coffres remplis d'or et de pierreries. Bientôt il revint. Je me levai, il me dit de m'approcher de la tente, et que nous allions prendre quelque chose avant de nous livrer au sommeil. Il enleva les papiers qui
se trouvaient sur la table, il prit un siège, et il me dit de m'asseoir à ses côtés. J'obéis, et comme je ne voyais aucun mets, il ajouta en riant, cette nourriture n'est pas très substantielle, mais un instant, et vous verrez que j'ai des cuisiniers et des esclaves aussi habiles qu'intelligents. Il prononça ensuite plusieurs mots de science cabalistique et souffla trois fois sur un anneau qu'il avait au doigt , aussitôt la salle fut éclairée par sept lustres de cristal de roche qui parurent à la voûte ;
neuf esclaves entrèrent portant différents mets dans des plats d'or et du vin dans des vases de la plus grande richesse. Des parfums brûlaient sur des trépieds, et une musique céleste se fit entendre : tout fut déposé sur la table dans le plus bel ordre, et les esclaves se tinrent du haut autour de nous pour nous servir. Vous voyez, mon fils, me dit encore le bon vieillard, que je n'ai qu'à commander pour être obéi : mangez, servez-vous, et choisissez ce qui pourra vous flatter ; je me rendis à l'invitation et tout ce que je goûtai était délicieux. Je pris ma coupe et du vin semblable au nectar coula dedans, son bouquet, avant-coureur de son
goût délicat, flattait agréablement l'
odorat : et lorsqu'il eut frappé mon palais et que je l'eus savouré, il me sembla qu'un
feu divin coulait dans mes veines et que j'acquérais une nouvelle existence. Je regardais les esclaves qui nous servaient ; ils étaient tous dans la
fleur de l'âge, de la plus grande beauté, vêtus de tuniques de soie
rose avec des ceintures blanches, leurs
cheveux blonds tombaient en boucles ondoyantes sur leurs épaules, et les yeux baissés et dans le respect, ils attendaient les ordres de leur maître. Le vieillard me laissa terminer mon examen, et il me dit ensuite, mon fils, vous avez apaisé votre faim, oui mon père ; il leva la main, et dit trois mots en arabe, et les esclaves s'empressèrent d'enlever tout ce qui était sur la table, ils sortirent, les lustres disparurent et deux
lits de repos se placèrent de chaque côté de l'appartement qui n'était plus éclairé que par la lampe qui jetait une lumière douce semblable au crépuscule. Voilà, mon cher fils, la manière dont vous serez servi chaque
jour , vos occupations varieront à l'
infini et vous préserveront de l'ennui. Livrez-vous au sommeil, je vais en faire autant, et demain dès que le
jour paraîtra, je tiendrai la parole que je vous ai donnée. Mais, mon père, le
jour ne pénètre jamais dans votre demeure ; comment pourrez-vous connaître que l'aurore paraît : cela dépend de ma volonté, mon fils, c'est encore une surprise que je vous ménage. A demain, dormez en paix : il me tendit la main je la pressai sur mon cur ; il approcha de son
lit, se coucha et bientôt le sommeil s'appesantit sur ses paupières ; je l'imitai et peu de temps après je m'endormis.
__________________________________________________________________________________________________
(1) Note FS : Il s'agit de la bibliothèque d'
Alexandrie.